Neutralité du médiateur

Neutralité du médiateur : comment rassurer les candidats à la médiation ?

La neutralité du médiateur constitue toujours un sujet majeur d’interrogation, voire d’inquiétude chez toute personne empruntant pour la première fois le chemin de la médiation

Les interrogations sur la neutralité affleurent presque systématiquement ceux et celles qui connaissent peu ou mal la médiation.

Le sujet mérite d’autant plus d’attention que leurs doutes et leurs interrogations, parfois renforcés par des échanges avec des proches qui ont mal vécu une médiation, est de nature à faire facilement renoncer des candidats à l’aventure. 

Les récentes déclaration d’Eric Dupond-Moretti, Ministre de la Justice, tendant à privilégier le développement de la médiation sur la justice dite “classique” en vue du règlement d’un nombre croissant de différend, rend par voie de conséquence le point de la neutralité d’autant plus sensible que les justiciables vont avoir le sentiment croissant que la médiation ne sera plus une simple option mais une voie obligatoire.

La neutralité soulève donc de nombreuses questions parfaitement légitimes. Je vais donc tenter de rassurer les candidats à la médiation sur ce sujet à travers une série de questions / réponses.

 

1 – Qu’est-ce que la neutralité en matière de médiation ?  

 

La neutralité du médiateur correspond à sa capacité à conserver un recul par rapport à la situation exposée et aux propos échangés, cela afin d’éviter, en son for intérieur, de prendre parti, et de perdre ainsi son impartialité. Savoir observer sans juger et pour faire simple. Et paradoxalement, cette hauteur de vue ne doit pas se traduire dans une certaine froideur à l’égard des parties, tout au contraire. 

 

2 – Quelle est la nature du devoir de neutralité ?

 

La nature de ce devoir est double. Tout d’abord, le devoir de neutralité constitue l’un des piliers de la déontologie du médiateur, et, à cet égard, figure en bonne place dans les chartes déontologiques. Enfin, le respect de ce devoir relève d’une obligation morale. 

 

3 – La neutralité et l’impartialité ne sont-elles pas des devoirs intimement liés ?

 

La neutralité ne se décrète point. Elle procède d’un sentiment intime, subjectif et non révélé qu’un soudain excès d’empathie envers un médié, ou de révolte vis-à-vis des propos d’un autre, peut instantanément ébranler. 

Elle relève exclusivement des principes méthodologiques régissant la médiation, adaptés en tant que besoin par le médiateur sur la base de son expérience, sa sensibilité et la perception de la situation.

Ces deux notions sont donc objectivement très différentes dans leur principe et contenu. 

Cependant, conserver une attitude impartiale peut s’avérer difficile dès lors que la neutralité vacille. Le médiateur connaît bien ce risque d’effet domino et doit veiller à le contrôler.

 

4 – Dès lors que le médiateur a le sentiment qu’il perd sa neutralité, doit-il mettre un terme à la médiation ? 

 

Oui, et cela tout à fait pour les raisons déontologiques et morales susmentionnées. Cependant ce type d’attitude est assez rare, grâce aux outils et à la formation dont le médiateur dispose pour préserver sa neutralité. 

 

5 – Que doit faire le participant s’il a le sentiment que le médiateur n’est pas neutre ?

 

Il ne doit surtout pas hésiter à aborder le sujet avec son avocat (s’il en a un) et le médiateur, et cela y compris lors d’une réunion. Dans ce dernier cas de figure, il est recommandé d’échanger avec le médiateur en aparté. Dès lors que le doute subsiste, le participant a tout loisir de mettre un terme à la médiation avec effet immédiat, ce dont il ne saurait lui être fait grief par la suite.

 

6 – La rémunération inégalement partagée du médiateur peut-elle être de nature à remettre en cause la neutralité du médiateur ?

 

L’indépendance est l’un des devoirs fondamentaux du médiateur et ne saurait être remise en cause à quelque titre que ce soit. 

Le fait que la rémunération puisse être convenue comme inégalement partagée entre les médiés ou assumée par un tiers est sans incidence sur le devoir d’indépendance et, de ce fait, celui de neutralité. 

Le médiateur est donc imperméable aux éventuelles suggestions plus ou moins appuyées émanant de tiers ou de médiés. 

Il l’est d’ailleurs d’autant plus que son rôle consiste dans l’aide des parties à la recherche d’une solution amiable et non de proposer lui-même cette solution. 

Ainsi, dans le cadre d’une médiation d’entreprise impliquant des salariés, le fait que l’employeur prenne en charge tout ou une partie des frais de médiation reste exclusif de tout lien de subordination, voire toute directive adressée au médiateur et d’accès aux informations échangées entre les médiés, par nature strictement confidentielles.

De la même manière, concernant une médiation intervenant dans un cadre privé, la prise en charge de tout ou une partie du coût de la médiation par l’une des parties (généralement en raison d’écart de revenus), sera sans incidence sur la neutralité du médiateur. Si d’aventure, la partie assumant la totalité ou l’essentiel du coût de la médiation avait la mauvaise idée d’invoquer ce point afin de tenter d’influencer le médiateur, ce dernier ne manquera pas de faire une mise au point ferme et claire.

 

7 – Le fait que le médiateur connaisse déjà l’un des participants est-il de nature à remettre en cause sa neutralité et conduire le médiateur à refuser la mission ?

 

Il n’existe pas de règles générales et chaque situation est différente. Cependant quelques grands principes méritent d’être rappelés :

  • Dès lors que le participant est une personne proche du médiateur (ami, membre de la famille), il est clair que ce dernier doit refuser la médiation ; Si la personne a participé à une précédente médiation avec un tiers menée par le médiateur, ce dernier peut également considérer que certaines informations dont il a eu alors connaissance ne lui permettent pas de respecter son devoir de neutralité 
  • De la même manière une trop grande proximité amicale ou professionnelle entre le médiateur et l’avocat d’un participant est de nature à soulever une difficulté.

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8 – Quelle est la méthode mise en œuvre par le médiateur pour garantir sa neutralité ?

 

La gestion de sa propre neutralité par le médiateur est un sujet d’inquiétude légitime pour le futur médié. 

Tout d’abord, le médiateur a suivi une formation approfondie et diplômante. De plus, il possède dans sa manche les outils, le savoir-faire, l’écoute et les bons réflexes lui permettant de gérer au mieux l’impartialité des échanges, l’écoute, la fluidité, les tensions soudaines, et plus généralement le bon avancement du processus de médiation. 

Il n’existe aucune règle générale concernant la « bonne gestion » du devoir de neutralité du médiateur. Il dispose cependant d’une solide boîte à outils lui permettant d’agir dans trois domaines :

 

Prudence et réserve durant chaque entretien individuel : la prudence est de rigueur

 

Le recours à la médiation est, selon le cas, initié par l’une ou les deux parties.

Dans le premier cas, la vigilance maximale s’impose. Le médiateur s’assure que l’échange est neutre sur le fond. Tâche délicate dans la mesure où ce premier contact doit s’inscrire dans un esprit d’information et d’ouverture inspirant au demandeur la confiance dans le processus à venir. 

Cependant, porté par cette confiance, le futur médié peut naturellement tendre à entrer très vite dans des détails qu’il doit réserver à la médiation. Dès lors, le médiateur impose, sans rompre le lien de confiance naissant, une distance raisonnable, sauf à courir le risque de biaiser d’entrée en jeu la médiation, voire d’être victime d’une empathie dont il lui sera difficile de se défaire par la suite.

 

Sensibilisation réitérée des médiés

 

Rappeler le devoir de neutralité en préambule de chaque réunion est essentiel mais insuffisant. Le temps nécessaire y est consacré lors de la réunion inaugurale, intégrant une invitation aux questions et une explication claire entre indépendance, impartialité et neutralité, d’autre part. 

Cette clarification est essentielle. L’impartialité est un comportement objectif dont toute déviance est immédiatement perceptible par les médiés.  

Ainsi, dès lors qu’un médié perçoit ou (le plus souvent) croit déceler chez le médiateur une certaine partialité son réflexe immédiat n’est pas de lui lancer « vous êtes partial » mais « vous n’êtes pas neutre. »

Le sujet est donc traité sans réserve par le médiateur. Dans le cadre d’un processus dont ils ignorent le plus souvent tout, les médiés peuvent hésiter à poser des questions. S’ils se taisent en gardant cette confusion à l’esprit, cela rend d’emblée la médiation bancale. 

Pour cette même raison, la sensibilisation, individuelle ou collective est réitérée à chaque fois qu’un doute sur sa neutralité est perçu par le médiateur, et cela même (et même a fortiori) en cours de réunion. Tous les médiateurs le savent : ce doute est le poison mortel de la médiation et le demeurera jusqu’à son épilogue.

Dernier point très important : dès lors que la prise en charge de la rémunération n’est pas également partagée par les médiés, le risque de suspicion quant à la neutralité du médiateur est une question qui est immédiatement abordée par ce dernier afin de rassurer les protagonistes. 

Ainsi, dans le cas particulier d’une médiation intra entreprise, certains médiés comprennent mal que la prise en charge de la rémunération par la Direction puisse être sans incidence sur la neutralité du médiateur. Une nouvelle fois le déminage s’impose : le médiateur explique aux médiés à titre préliminaire le caractère incompatible et inacceptable de toute tentative de pression ou même d’invitation par la Direction à voir se dessiner telle ou telle solution préférentielle.

 

Le système d’alerte interne

 

Indépendamment des outils méthodologiques propres à la médiation, chaque médiateur apprend, au fil du temps, à se doter d’un système d’alerte personnel construit sur la base de sa formation, ses expériences de vie et de médiation, cela afin de conserver au mieux sa neutralité et la restaurer rapidement si elle vient à être ébranlée.

Bien évidemment, les systèmes d’alerte doivent être d’autant plus résistants qu’ils sont plus rudement mis à l’épreuve. Tel est le cas si le différend inclut un volet personnel ou relationnel particulièrement difficile ou douloureux. La résistance à l’excès d’empathie est alors testée à chaque instant. Les médiateurs familiaux peuvent en témoigner. 

Bien évidemment le fait de ne pas se laisser abuser par des situations déjà vécues est un pilier fort du système d’alerte interne. En effet, l’Homme tend naturellement à projeter à chaque situation nouvelle un vécu, cela afin de l’appréhender plus facilement et rapidement. Le grave inconvénient d’une telle projection est la distorsion, voire l’occultation des singularités de la situation nouvelle d’une part, et le risque de conserver durablement des idées préconçues sur les protagonistes et le différend, d’autre part.

Le médiateur n’est pas épargné par ce risque de projection. Il doit donc en avoir une parfaite conscience afin de mieux le contrôler. En effet, si la trame générale du différend peut nous être familière, les détails et les personnalités modifient totalement son contenu, ses causes et les perspectives de règlement. Entamer une médiation, c’est ouvrir son carnet de médiateur sur une page blanche.

 

9 – Quel est votre propre système d’alerte interne ?

 

Ma longue expérience de juriste interne dans le domaine informatique m’a été très utile à cet égard. En effet, J’ai remarqué que les multiples incidents et différends informatiques sur lesquels je suis intervenu avaient une similitude évidente avec les conflits de personnes : une causalité complexe, en trompe l’œil, incertaine, changeante, protéiforme, souvent aléatoire et parfois simplement incompréhensible ou introuvable. 

Par voie de conséquence, et dans la mesure où l’incompréhension est un accélérateur d’émotions négatives, les problèmes informatiques se transformaient très vite en une double querelle, technique et personnelle.

Je n’hésite donc pas, avant chaque réunion de médiation, et afin de gérer au mieux ma neutralité, à convoquer à mon souvenir quelques-uns de mes actes passés assortis de la juste dose de prudence, et d’autres qui le furent un peu moins. L’égo peut en sortir un peu écorné, mais c’est pour la bonne cause. 

 

Mais chacun sa recette…

 

En conclusion ?

Bien évidemment les mauvaises expériences peuvent exister, comme dans tous les domaines. Mais, d’une manière très générale, Les participants à la médiation doivent savoir qu’ils peuvent se sentir rassurés par rapport au devoir de neutralité du médiateur. Comme j’ai tenté de l’expliquer, ce dernier ne travaille pas dans l’improvisation sur un sujet aussi fondamental. Mais, une fois encore, le participant ne doit cependant jamais hésiter à poser toutes les questions jusqu’à lever ses doutes, ni à intervenir s’il a le sentiment que la neutralité du médiateur est, à ses yeux, sujette à caution. Et le médiateur ne doit jamais négliger ces doutes.

Par Christophe MAIROT, médiateur en entreprise, qui exerce dans le cadre de conflits entre salariés et intervient dans le cas de harcèlement moral au travail. 



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