L’opportunité de la médiation pour les Avocats
Chez NotreAccord, 50% de nos médiateurs sont avocats. Avec ce recul sur la pratique de chacun dans la médiation, il a été opportun de partager les retours d’expériences afin d’éclairer les avocats sur la spécificité de la médiation dans l’exercice de la Profession. Mais surtout, d’apporter des retours d’expériences autant sur les processus de médiation que sur l’intégration de la médiation dans l’offre d’un cabinet.
Ainsi, en quoi l’opportunité de cette pratique, en plein développement, peut-elle permettre à l’avocat de diversifier son offre et de satisfaire ses clients ? Comment articuler cela dans son activité actuelle ? Et quelles en sont les particularités ?
Le vendredi 13 mai 2022, un webinaire sur l’opportunité de la médiation pour les avocats (replay ci-après) était organisé par NotreAccord et animé par nos avocats-médiateurs : Maître Maxime de La Morinerie, Maître Jérôme de Sentenac, Maître Patrick Evrard, Maître Mathilde Charmet-Ingold, Maître Angéline Champanet et Maître Karen Durand-Hakim.
« Il (la médiation) s’agit d’un nouveau marché dont tous les avocats doivent absolument s’emparer. », annonce Maître Maxime de La Morinerie, avocat médiateur et co-fondateur de NotreAccord, afin d’entamer ce webinaire.
La médiation est un Mode Amiable de Règlement des différends (MARD) qui représente, pour les avocats, une opportunité d’élargir leur offre de services et d’améliorer la satisfaction de leur client. En revanche, elle n’est pas sans soulever des particularités dans la gestion des dossiers.
Cet article retranscrit les points évoqués lors du webinaire, vous pouvez également, si vous le préférez, consulter la vidéo du replay ci-après :
La médiation pour les avocats : une activité en fort développement
Contexte légal
Depuis la loi n° 95-125 du 8 février 1995, fondatrice de la médiation, le législateur a souhaité renforcer celle-ci.
À cet effet, de nouvelles lois ont été promulguées. Par exemple, la loi « Justice 21 » du 18 novembre 2016 renforce la place de la médiation dans le règlement des conflits. Le nouvel article 750-1 du Code de procédure civile (issu du décret du 11 décembre 2019), rend la tentative de médiation obligatoire pour les litiges inférieurs à 5.000 euros ainsi que pour les différends dans le domaine familial ou encore les conflits de voisinages. À défaut, le juge peut déclarer l’irrecevabilité de la demande.
Ces lois incitent les parties en conflit à recourir au processus de médiation pour trouver une solution à leurs litiges.
Il existe également des dispositions dans le Code du travail qui précisent que l’on peut demander des médiations, dans le cadre de harcèlement par exemple. Ces dispositions sont évoquées dans les articles L2523-1 à L2523-10 du Chapitre III : Médiation. Ce chapitre est mentionné dans le Titre II : Procédure de règlements des conflits collectifs, qui lui-même est abordé dans le Livre V : Les conflits collectifs. Le Livre V apparaît dans la deuxième partie : Les relations collectives de travail de la partie législative.
Par ailleurs, des clauses de médiation, claires et précises, peuvent utilement figurer dans des contrats afin de prévoir l’engagement des parties de régler leurs différends à l’amiable avant de recourir aux Tribunaux. La médiation continue donc de se développer et apparaît comme propice pour certains dossiers complexes.
Les dossiers favorables au processus de médiation
Les dossiers avec le plus d’affect
Après une analyse du marché de la médiation, NotreAccord remarque que les principaux dossiers de médiation concernent la famille, le voisinage et l’entreprise, avec des sujets inhérents au droit des affaires et au droit social. Ce sont généralement des dossiers qui comportent une notion d’affect très importante.
Les dossiers avec une complexité juridique, exemple du droit des affaires
Dans le domaine du droit des affaires, comme l’expose Maître Jérôme de Sentenac, avocat médiateur chez NotreAccord, les contentieux les plus importants sont ceux qui relèvent des compétences internationales, des problèmes de juridictions et des lois applicables qui sont incompatibles (dans le cadre d’une chaîne de transport, par exemple). La médiation permet donc aux parties du monde des affaires de renouer le dialogue et de trouver des solutions mutuellement acceptables afin qu’elles puissent continuer de travailler ensemble.
En médiation, la solution n’est pas juridique
Maître Jérôme de Sentenac souligne également que : « La médiation n’est ni une application de loi, ni un arbitrage. Il s’agit d’un mécanisme dans lequel les parties vont trouver elles-mêmes leurs solutions. Ce ne sont généralement pas des solutions juridiques, seulement des solutions qui relèvent du bon sens et, en définitive, ce n’est pas toujours le droit qui permet d’y parvenir. »
Dans un processus judiciaire, une solution qui ne satisfait pas une ou toutes les parties prenantes au conflit entraîne d’autres problèmes comme une fin de partenariat. La médiation, en revanche, met en place un cadre neutre et impartial qui privilégie l’échange et qui permet aux parties de collaborer de nouveau.
Les conflits en droit du travail s’accompagnent aussi de liens affectifs. La médiation permet de rétablir le lien rompu et a pour objectif premier la satisfaction des parties.
Bien comprendre les intérêts de la médiation pour les parties
Un cadre temporel, un engagement des parties
« La médiation est un cadre et un processus volontaire pour permettre aux parties de trouver leurs solutions. », rappelle Maître Mathilde Charmet-Ingold. Elle ajoute que la médiation possède une durée encadrée et maîtrisée puisque celle-ci dure trois mois en règle générale.
De plus, comme l’énumère Maître Patrick Evrard, formaliser les échanges dans le cadre d’un processus de médiation peut avoir un double intérêt. Tout d’abord, l’implication des parties qui seront autour de la table. Puis, l’innovation des parties en matière de solutions.
L’innovation dans les solutions trouvées pour l’accord de médiation
Maître Patrick Evrard poursuit ses propos en précisant que « Les parties vont être particulièrement innovantes dans l’identification de l’accord qu’elles vont pouvoir trouver. ». En effet, les parties qui travaillent ensemble ou qui ont des relations sont les plus à même de décider des solutions les plus avantageuses et acceptables pour elles. Elles feront ressortir des intérêts ou des sujets dont l’avocat n’a pas forcément connaissance puisqu’il n’a qu’un œil extérieur sur le dossier.
Le client au cœur du processus de médiation
Maître Mathilde Charmet-Ingold approuve l’intérêt de temps, d’implication, d’innovation et complète en indiquant que « l’idée de satisfaire aussi le client est l’un des intérêts de la médiation. Intérêt que je vois au quotidien dans ma pratique. ». Le client n’obtiendra pas forcément satisfaction lors d’une procédure contentieuse puisqu’il éprouve souvent un sentiment de frustration dû au nombre d’années que peut durer une procédure ainsi qu’à l’issue qui n’est pas connue en amont.
La médiation, « que ce soit pour une médiation judiciaire et même conventionnelle, interrompt les délais de prescriptions. », détaille Maître Karen Durand-Hakim. Ainsi, selon elle, « il y a toujours un intérêt puisque le processus permet de remettre de l’humain dans le dossier sans s’arrêter uniquement à la règle de droit. ».
La médiation pour diversifier l’offre des avocats
Enrichissement de la posture… amélioration de l’offre
« Les outils acquis en tant qu’avocats lors d’une formation en médiation, puis intégrés en tant que médiateur, sont un formidable atout pour l’avocat qui sera plus à l’écoute de son client, de ses émotions, de ses intérêts et de ses préoccupations. ». Maître Karen Durand-Hakim présente donc la formation de médiateur comme un atout pour l’avocat qui va mieux cerner ce que souhaite son client. Il va être plus à l’écoute de ses intérêts et obtenir une meilleure satisfaction.
La médiation permet aux avocats de mieux comprendre les intérêts de leurs clients et de mieux analyser leurs dossiers afin que les parties puissent ressortir gagnantes et satisfaites. Avec le processus de médiation, ils renforcent leurs offres.
La satisfaction des clients grâce à la médiation
Maître Mathilde Charmet-Ingold conteste l’idée reçue qu’un dossier qui ferait l’objet d’une médiation serait une perte pour l’avocat car il serait moins facturé qu’un dossier qui ferait l’objet d’un traitement judiciaire.
En revanche, Maître Mathilde Charmet-Ingold soutient l’idée que la place de l’avocat est très importante dans une médiation puisque « si vous arrivez à sortir le dossier en trois mois grâce à une médiation qui a été rondement menée par les avocats et par le médiateur, votre client va être pleinement satisfait et il pourra, par la suite, vous recommander auprès d’autres clients. En plus, cela dégagera aussi du temps pour pouvoir trouver d’autres dossiers. ».
L’avocat est également gagnant avec une médiation puisque cela va lui permettre de renforcer son offre et de mieux cerner les intérêts de ses clients afin de les satisfaire. Mais, encore faut-il savoir mettre en place cette médiation…
Comment prescrire la médiation lorsque l’on est avocat ?
La légitimité et la proximité, les atouts majeurs de l’avocat
Un avocat peut être prescripteur d’une médiation. Mais… « Pourquoi l’avocat est bien placé pour prescrire la médiation ? Parce qu’il a une légitimité et une proximité. », rappelle Maître Angéline Champanhet.
En effet, l’avocat détient, d’une part, une légitimité en tant que professionnel du droit. Celui-ci est le plus à même d’évoquer un processus de médiation avec ses clients. D’autre part, l’avocat dispose d’une proximité dans la relation avec ses clients. Il est le mieux placé pour comprendre les besoins et les intérêts des parties. Ce professionnel possède, par ailleurs, une proximité avec les magistrats et la coopération entre eux grandit. Ainsi, en renforçant ces liens, les avocats pourront gagner des médiations judiciaires et renforcer leurs offres.
Le recours à un processus de médiation n’est pas forcément obligatoire. Pourtant, l’avocat peut tout de même proposer à ses clients le recours à une médiation. Surtout lorsque le dossier présente un intérêt pour ce mode amiable de règlement des différends.
L’avocat est donc prescripteur de la médiation. Mais encore faut-il choisir le moment opportun pour proposer à son client un processus de médiation.
Convaincre les parties d’entrer en médiation
Maître Angéline Champanhet assure que “les avocats ont un rôle important à jouer”. Il ne faut donc pas se précipiter dans la prescription d’une médiation. Le premier rendez-vous avec le client n’est pas nécessairement le bon moment. Il faut, au préalable, que l’avocat analyse son dossier et prenne en compte les intérêts de son client avant de lui soumettre un processus de médiation.
Maître Karen Durand-Hakim porte ainsi l’attention sur cette particularité puisqu’il faut encore réussir à convaincre son client d’entamer un processus de médiation.
Convaincre la partie adverse d’entrer en médiation
Une fois le client convaincu, il reste encore à convaincre la partie adverse, que ce soit l’avocat ou le client. Malheureusement, lorsque le confrère avocat n’est pas formé à la médiation, il est plus difficile de négocier.
Il arrive que l’avocat adverse ne veuille pas entamer un processus de médiation. Cependant, si vous êtes convaincu de l’intérêt de ce processus pour le dossier, vous pouvez tout de même introduire une procédure judiciaire. Vous demandez alors au magistrat, à titre préalable, un processus de médiation. Celui-ci sera moins volontaire mais peut-être nécessaire pour rétablir la relation entre les parties et les satisfaire.
Notez que, lorsqu’elles sont bien rédigées, les clauses de médiation sont très importantes pour éviter de convaincre les parties adverses. Néanmoins, ces clauses ne font pas office de pense-bêtes.
Les potentiels freins à la médiation
Maître Karen Durand-Hakim admet qu’en droit du travail, les DRH, par exemple, pensent rarement à la médiation. Il est donc toujours intéressant pour les avocats et leurs clients de le proposer même si le dossier témoigne d’une complexité juridique. Comme l’atteste Maître Jérôme de Sentenac, « on a actuellement une médiation qui est un peu bloquée parce que, simplement, le représentant de l’entreprise est un juriste qui s’en tient au droit. » Ce juriste ne prend pas en compte l’intérêt des parties prenantes et cela peut provoquer un blocage, notamment lorsque les contentieux sont récurrents entre des particuliers et des assureurs ou des institutionnels.
L’avocat accompagne de A à Z le processus de médiation
Ainsi, l’avocat doit jouer un rôle clé d’accompagnant dans le processus de médiation. Avant le processus de médiation, il prescrit, explique la médiation et apporte un éclairage juridique. Pendant le processus de médiation, il aide les parties à aller l’une vers l’autre pour trouver une solution adaptée à la situation. Après le processus de médiation, il rédige les protocoles d’accords.
En cas d’échec du processus de médiation, l’avocat peut tout de même représenter son client lors de la procédure judiciaire. Il devra seulement s’assurer que ce qui a été dit lors de la médiation reste confidentiel.
La médiation pour les avocats, un cercle vertueux
Enfin, Maître Maxime de La Morinerie confirme les propos tenus par ses confrères en précisant que « quelque que soit le domaine du droit, l’importance de la médiation et l’intérêt que nous pouvons tous y trouver, avocats, à développer une autre pratique permet de créer une activité à part, indépendante. ».
L’avocat médiateur accompagne ses clients dans un processus de médiation afin qu’ils ressortent satisfaits des solutions qu’ils auront trouvées. Ce professionnel du droit développe donc son offre et libère du temps pour s’occuper d’autres dossiers.
« Cette activité de médiateur qu’on développe va, me semble-t-il, nécessairement nourrir notre activité d’avocat et réciproquement. […] C’est un cercle vertueux qui, je pense, faut privilégier, mettre en avant et c’est ce qu’on a cœur à faire au sein de NotreAccord. », confie Maître Maxime de La Morinerie afin de conclure ce webinaire.
Pour les demandes de médiation que nous recevons, nous recrutons en permanence des avocats médiateurs. Si vous l’êtes, nous sommes à votre disposition pour un échange :