L’intérêt de la médiation lors d’une succession
La succession est un processus long et complexe qui débute par un traumatisme : le décès d’un membre de la famille. Il convient alors pour le notaire de faire respecter les dernières volontés du défunt tout en préservant les intérêts de chacun de ses cohéritiers. Dans le cadre d’une succession, beaucoup d’intérêts sont en jeu pour les parties prenantes. En cas de conflit lors du partage, la médiation peut être un outil précieux afin d’apaiser les tensions et de trouver une solution satisfaisante pour chacun des héritiers.
Le conflit successoral
Pour les bénéficiaires d’un héritage, la succession doit permettre d’établir un équilibre entre leurs intérêts personnels et pécuniaires. Néanmoins, quand les intérêts de chaque partie divergent, des querelles peuvent apparaître et se transformer en véritables conflits.
L’aspect pluridimensionnel de la succession
Le notaire en charge de la succession doit, de l’ouverture de celle-ci jusqu’au partage, prendre en compte les divers aspects de la succession, à savoir :
- la dimension psychologique : la succession débute alors que les parties sont en période de deuil, long processus avec ses différentes phases de déni, de colère, de tristesse puis d’acceptation ; le deuil est un véritable bouleversement, tant sur le plan individuel que collectif (famille) ;
- la dimension sentimentale : la perte de la personne défunte étant douloureuse, les héritiers sont attachés à la valeur sentimentale de tous les biens qui la rappellent ;
- la dimension juridique : avant le décès de la personne et jusqu’à la clôture de la succession (partage), de multiples procédures et actes vont déterminer les termes du partage (testaments, donations, legs, assurances-vie etc…) ;
- la dimension financière et patrimoniale : la succession peut entraîner une augmentation significative du patrimoine et des ressources financières de chaque héritier, ce qui est fréquemment source de désaccords.
Les motifs fréquents de conflits
Le conflit en matière de succession est très complexe compte tenu de ses différentes dimensions. Certains désaccords, pouvant aboutir à de véritables conflits familiaux (ou extra-familiaux en cas de légataire extérieur), sont courants, portant notamment sur :
- le choix du notaire : même si le notaire a un devoir d’impartialité lors de la succession, un héritier peut se sentir « lésé » du choix d’un notaire par une autre partie ;
- un doute concernant le testament : les héritiers sont parfois surpris de découvrir les écrits testamentaires (les dernières volontés) du défunt concernant le partage, et peuvent avoir du mal à les accepter ;
- la contestation sur l’évaluation d’un bien : l’évaluation des biens du défunt est très importante car de celle-ci découle la masse successorale, qui va déterminer les parts attribuées à chaque bénéficiaire ainsi que le montant des frais de notaire et des droits de succession, que ceux-ci auront à régler ;
- un désaccord sur le partage : en général, l’indivision n’étant pas souhaitée par les héritiers, procéder au partage pour le notaire n’est pas une tâche aisée car cela implique souvent un mécontentement de la part d’un ou plusieurs héritiers ;
- la remise en cause d’une donation antérieure : certains biens font parfois l’objet d’une donation antérieure au décès, qui sera parfois contestée par une ou plusieurs personnes non donataire ;
- un soupçon d’abus de faiblesse : les agissements douteux (prélèvements d’argent, vente ou gestion de biens à son profit …) de l’un des héritiers qui était en charge des affaires de la personne avant son décès et avait accès à ses ressources (procurations…) peuvent remettre en cause le partage ;
- un recel successoral : il s’agit de biens tels que des bijoux, des espèces ou œuvres d’art conservées au domicile du défunt, que l’un des héritiers va s’approprier avant la succession, n’apparaissant pas dans l’inventaire, pour léser les autres ;
- le blocage de la vente d’un bien par l’un des héritiers indivisaires : la gestion des biens étant soumise au régime de l’indivision, un des héritiers peut refuser de vendre ledit bien, bloquant ainsi la succession.
Les objectifs de la médiation
Lorsqu’un conflit familial éclate pendant la succession, certaines situations peuvent devenir difficilement gérables pour le notaire. Il peut alors conseiller aux parties à la succession de faire appel à un médiateur.
Améliorer la communication et les relations familiales
Le but de la médiation successorale est avant tout de rétablir une communication entre les différentes parties à la succession (héritiers ou légataires), issues de la même famille.
Il est fréquent, lors du décès de la personne, de voir émerger une mésentente familiale, qui est en réalité le résultat de vieilles querelles ou pensées pouvant par exemple impliquer un sentiment de favoritisme ou de jalousie. Lorsque des désaccords surviennent, le médiateur familial peut intervenir afin de permettre aux héritiers de renouer le dialogue, d’exprimer leurs sentiments et leur point de vue, afin de rebâtir des relations familiales saines et durables.
Fixer des objectifs pour l’avenir
Dans le cadre d’une fratrie, il existe une égalité entre les frères et sœurs. Le conflit successoral peut rompre ce sentiment d’égalité et créer un déséquilibre. La médiation aura pour objectif de réinstaurer cet équilibre, de récréer un rapport d’égalité entre les membres d’une même fratrie ou d’une même famille. Le but étant, par la médiation et la succession, de fixer des objectifs pour l’avenir. Par exemple, on peut prendre la décision de garder la maison familiale en indivision (au lieu de la vendre et de partager le bénéfice de la vente) et d’instaurer des règles entre les parties concernant l’utilisation (pour les vacances, les fêtes), le partage des frais d’entretien et de gestion de la maison (locations, travaux, taxes etc…).
Les particularités de la médiation successorale
Lors d’une médiation, le médiateur est soumis au respect de plusieurs principes tels que la neutralité, l’impartialité, la confidentialité et l’indépendance.
Néanmoins, même si le conflit familial est réel, il est quelquefois difficile de s’orienter vers ce Mode Amiable de Règlement des Différends (MARD) et de convaincre une ou plusieurs personnes réticentes qui voient en la médiation une situation conflictuelle supplémentaire. Face à un conflit qui perdure ou s’intensifie, le notaire peut être le meilleur protagoniste pour suggérer une médiation successorale.
Evidemment, la principale difficulté dans ce type de conflit réside dans le fait qu’un grand nombre de personnes peuvent être réunies, et certaines sont parfois éloignées géographiquement. Pour autant, il est nécessaire que chacun puisse s’exprimer. Face à cette difficulté, il est possible d’avoir recours à la co-médiation (deux médiateurs) ou à la visioconférence. De plus, selon le nombre d’héritiers, la médiation peut être plus longue et donc plus coûteuse. Cependant, ce MARD demeure accessible à tous, quels que soient les revenus de ceux qui en font la demande et demeure la solution à privilégier afin de préserver les liens familiaux et de garantir un partage satisfaisant pour chaque héritier.